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Revisiter les formulations des aliments

Le risque de contaminations croisées explique les réticences croissantes des usines d'aliments à mettre en oeuvre des prémélanges médicamenteux. S. CHAMPION

Sous l'effet des contraintes environnementales, puis de la lutte contre l'antibiorésistance et l'émergence de démarches préventives, les formules évoluent sur le long terme.

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Le plan national de réduction des risques d'antibiorésistance en médecine vétérinaire (Ecoantibio 2017), présenté par Bruno Lemaire en 2011, alors ministre de l'Agriculture, veut réduire d'un quart les utilisations d'antibiotiques en élevage sur cinq ans. Même si, alors, les lapins et les volailles dépassaient les porcs en nombre de traitements durant la vie de l'animal, les porcelets constituent une cible de choix pour restreindre les usages. Ils étaient, il y a encore trois ans, systématiquement traités pour passer la délicate phase du sevrage notamment. Selon une enquête de l'Anses, conduite en 2010, le postsevrage concentre l'essentiel des traitements en porc, que ce soit par l'aliment ou par l'eau, alors que la voie d'administration majeure en maternité, autre phase très consommatrice, reste l'injectable. Selon l'Agence nationale du médicament vétérinaire, l'utilisation d'antibiotiques en élevage porcin, toutes formes confondues, a cependant baissé de 28,8 % entre 2006 et 2011, c'est-à-dire avant même l'annonce du plan Ecoantibio. Et les profils des prescriptions évoluent : les vétérinaires, en accord avec les organisations professionnelles comme Inaporc, Coop de France et la FNP, limitent ainsi le recours aux céphalosporines de dernière génération, considérées comme critique pour la médecine humaine.

Réduire le risque de contaminations croisées

Le risque de contaminations croisées entre aliments blancs et aliments médicamenteux, le traitement spécifique de ces derniers sur prescription vétérinaire, donc hors des volumes « standard » expliquent, par ailleurs, les réticences croissantes des usines d'aliments à mettre en oeuvre des prémélanges médicamenteux au profit d'une incitation croissante au recours à d'autres modes de prise en charge, vaccination et traitement par l'eau de boisson, mais surtout au profit d'une amélioration du niveau sanitaire des élevages et de la sécurisation digestive des aliments. La baisse des traitements par l'aliment s'accentue depuis deux ans. Les fabricants promeuvent une approche globale (audits, recommandations de conduite d'élevage, modification des formulations avec réduction du taux protéique et implantation d'une flore intestinale bénéfique). Chez Sanders, 27 % des aliments porcelet 1er âge sont désormais non médicamenteux, contre 8 % avant la mise en place de cette approche alimentaire globale début 2012. L'autre effet ensuite, sensiblement moindre : 87 % des aliments blancs en 2e âge, contre 80 % il y a un an.

Des usines aux huiles essentielles

Les procédures pour réduire le recours aux aliments médicamenteux sont désormais bien connues et largement partagées : diagnostic de la situation sanitaire de l'élevage et des installations comme des pratiques (vides sanitaires, marche en avant...), travail sur la qualité de l'eau, le nettoyage-désinfection et, de façon générale, la biosécurité.

La recherche en nutrition animale a également, depuis la fin des années quatre-vingt-dix, exploré l'immunité et le stress oxydatif. « Les travaux de recherche du groupe CCPA ont montré que des pondeuses en situation de stress ou présentant de l'inflammation, mobilisent jusqu'à 30 % des nutriments pour renforcer leurs défenses naturelles », explique ainsi la firme services coopérative. Le fabricant d'aliments prend toute sa place dans ces démarches en proposant des diagnostics, généralement construits avec ou par sa firme services, en recomposant ses formulations et, surtout, en privilégiant le préventif avec des solutions plus techniques : vitamines et minéraux pour soutenir l'immunité, probiotiques pour favoriser la flore digestive bénéfique... Et, de plus en plus, extraits de plantes et huiles essentielles. Reste le statut réglementaire de ces deux dernières catégories, toujours classifiées dans les substances apéritives et interdites de communication sur des effets « santé ». Mettre en avant la spécificité de leurs impacts sans se placer hors la loi n'est pas toujours simple. Pourtant, si les usines sentent désormais les plantes, ce ne sont plus seulement les tourteaux.

Les protéines aussi concernées

Dans le même temps, autre grande évolution des formules, la France accentue la diversité de ses approvisionnements de matières premières au fur et à mesure des années. Ainsi, le tourteau de soja, qui a longtemps dominé la fraction protéine, laisse plus de place au tourteau de colza, de tournesol et aux drèches de blé et de maïs. Pour la seule région Bretagne, en 2012, il a ainsi perdu 7 % quand le tourteau de colza progressait de plus de 6 % et celui de tournesol d'un bon tiers. Sur le long terme, la progression du tourteau de colza est particulièrement notable : d'environ 1 Mt en 1998-1999, les utilisations françaises sont passées à 2,8 Mt en 2012-2013.

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